SANTA BARBARA (17)
SANTA - BARBARA
Les soirs de lassitude, tu rejoignais prostrée,
A Santa Barbara, le cercle des névrosés
Et des pandores falots de la boite à images.
Tu paraissais absente, prisonnière d'un mirage.
Madone de sleepings en partance pour nulle part,
Sans ticket, sans viatique, en rade dans une gare.
En panne de souvenirs, en rupture de tendresse,
Je devinais parfois dans tes mains les caresses.
Pour l'enfant de ta chair que tu n'aurais jamais.
Tu traversais des rêves fragiles à bon marché,
Solitaire, pathétique irréelle et soumise,
Te raccrochant à eux comme à quelque balise.
Tu as franchi la porte avec pour tout bagage,
Un walkman, Télé-Poche et un livre d'images
D'Epinal ou d'ailleurs, un livre de ton enfance.
Et puis tu es partie pour une folle errance.
Je suis resté des heures face au piano à queue,
Pour jouer des cantates, des adagios douteux,
Projetant ma douleur dans des oeuvres baroques:
Cris de haine et d'amour d'un soliste ventriloque.
Dialoguant sans relâche avec ton souvenir,
Mendiant ta tendresse et tes éclats de rire.
Puis mes fugues dissonantes, mortes sous la sourdine,
Sur le toit des immeubles, j'ai joué au muezzin
Soprano de banlieue, j'ai psalmodié ton nom,
Imploré tous les dieux, bramé sur tous les tons,
Soliloque pitoyable, brisé par mille échos
Qui me cassaient la voix et étouffaient les mots.
De Rio à Rangoon, de Dallas à Cahors,
De l'île d'Yeu à Ceylan, du Zambèze à Louqsor,
Des claques de Bangkok aux bouges de Manille,
De Zuydcoote à Menton, de Dunkerque à Séville,
Des rives du Danube aux berges du Mékong,
J'ai sondé des eaux glauques, frappé à tous les gongs.
De traboules humides en cloaques visqueux,
Des faubourgs de Namur aux portes de Périgueux,
De repas pléthoriques en pique-niques aqueux,
J'ai couru affamé, squelettique maître-queux
En queue de pie froissée, souffreteux, famélique,
Brandissant ta photo comme une sainte relique.
De voeux pieux en prières, d'ex-voto en offrandes,
Des temples de Vientiane à l'église de Marmande,
Des salins de Giraud au bassin d'Arcachon,
J'ai couru comme un fou tout en hurlant ton nom..
J'ai écrit cent suppliques sur des papiers fragiles,
Avec des mots d'amour forts et indélébiles,
Des pleins, des déliés, de belles métaphores,
Balancées à la mer : dérisoires amphores
Qui dérivent encore au gré des alizés
Du Golfe du Bengale jusqu'à la mer Egée
Des égouts de Sarcelles jusqu'à des déversoirs
Où elles s'engloutissent: ultime reposoir.
Je sais que tu t'ennuies, peut-être que je te manque
Tu n'es pas à ta place auprès des saltimbanques
Qui font leur numéro dans un bac de sciure
Et repartent comblés vers d'autres aventures.
Ils marchent dans ta tête, ils cognent à tes tempes,
Tu les hais, tu les aimes, tu les snobes, tu les vampes,
Ces bouffons insensibles qui monnayent des orgasmes
Et te quittent au matin après un dernier spasme.
J'ai parcouru la jungle, arpenté les déserts
Je porte les stigmates de ces raids solitaires:
Tatouages de la chair et blessures de l'âme
Qui se rouvrent parfois quand je rejoins la dame
De Santa Barbara, au cercle des névrosés
Et des pandores falots au visage délavé
Qui s'agitent en tous sens dans la boite à images.
Je te retrouve alors, pour le temps d'un MIRAGE.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 10 autres membres