BREVES EN FOLIE : LE SEUL BLOG OU LE FOND PRIME SUR LA FORME

BREVES EN FOLIE : LE SEUL BLOG OU LE FOND PRIME SUR LA FORME

P'TITE MORT ORDINAIRE (12 )

     

 

 

 

 

PETITE CHRONIQUE

 


D'UNE MORT ORDINAIRE

 

 - 


     

 

 

 

      La pièce ressemble étrangement à une cellule, à peine plus longue que large.Ca et là quelques taches d'un badigeon verdâtre attestent que les murs ont été peints en des temps immémoriaux.

 

     Une lézarde court au plafond qu'elle parcourt en zigzags et vient se cacher pour mourir derrière le gros radiateur de fonte qui trône sous l'unique fenêtre.

 

     La vieille dame repose sur son lit : petit cadavre décharné que personne ne veille et qu'éclaire d'une lumière blafarde, le plafonnier globuleux.

 

   Elle est entrée en solitude, le douze juillet mil neuf cent soixante, comme en témoigne le registre des admissions.Ce fut en quelque sorte, un internement dit administratif voulu par son fils, Abel, avec l'aimable complicité des uns et des autres... qui s'accordèrent avec une belle et touchante unanimité pour déclarer qu'elle présentait, outre une tendance au non conformisme incompatible avec son âge canonique : les premiers stigmates de la déraison.

 

    Ceci étant décidé et entériné, sa vie ne fut plus qu'une succession de jours sans saveur, sans couleurs, sans repères, sans tendresse, sans amour : trame insipide d'une existence contemplative et quasi carcérale.

    

    Si on l'interrogeait sur son passé, elle se contentait de dessiner dans l'espace, d'un index tremblant, un grand cercle de famille dont elle devenait le centre et qu'elle peuplait d'enfants imaginaires, calins et drôles, qu'elle appelait par leurs prénoms, qu'elle chérissait, gavait d'amour, bourrait d'affection et maternait....avec l'énergie du désespoir.Elle avait alors dans ces périodes de délire une espèce d'aura pathétique et magnifique qui m'émouvait jusqu'aux larmes.

 

    Elle entra en léthargie, insensiblement, inexorablement, ne consentant à quitter sa chambre monacale que pour rejoindre la salle commune, à petits pas, pour de petits repas : Petit santon voûté, déhanché, à la démarche syncopée, soliloquant dans les couloirs qui retentissaient parfois de braiements déchirants qui n'avaient rien d'animal.

 

    La vieille dame est morte...

 

    Le chapelet aux grains d'ébène déroule ses entrelacs au ciel de lit.

    La croix de nacre cotoie le flacon de sérum qui distille son goutte à goutte : clepsydre dérisoire, désormais inutile..

    La vieille dame vient de larguer les fils ténus qui la reliaient à l'existence...Elle vient de rejoindre les abysses...mettant en quelque sorte un terme à une vie végétative exemplaire.... dans une belle mort clinique et naturelle...

 

    Il va falloir prévenir les uns et les autres...

   Il va falloir remettre un peu d'ordre dans cette chevelure éparse et rabattre cette main décharnée qui se tend... comme pour tracer...le grand cercle, une dernière fois.

 

    Finalement...Tout est bien qui finit mal au royaume du phénobarbital....

 

 

 



26/01/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 10 autres membres