BLACK FOOD (3)
BLACK FOOD
Pour la tête persillée du veau hydrocéphale
Que la cocotte materne en ses flancs de cristal,
Pour le chinois filtrant le délicat coulis
Qui ravine les pores de son profond tamis.
Et se répand en ruts liquoreux et glacés
Sur la crête moussue d’un gros Saint Honoré.
Pour ces profiteroles nappées de crème anglaise,
Pour ces têtes d’asperges coiffées de mayonnaise.
Pour ces morues dorées mariées aux morilles,
Ces volailles avachies sur un lit de lentilles
Ces fayots qui clapotent dans des faitouts de grès
Aux rives de bouillons où mouillent des magrets.
Pour tous ces blancs changés en tendre mousseline
De chantilly crémeuse : fragile capeline
Pour quelques religieuses ventrues et croustillantes
Alignées au cordeau dans la chapelle ardente
D’un fourneau rougeoyant bardé de casseroles.
Pour ces cèpes, ces pleurotes, ces bolets, ces girolles,
Ces huîtres, ces pets-de-nonne, ces cornes de gazelle,
Cette potée de bar et ce thon en rouelle.
Pour ce Grave servi en calice d'arcopal
Qui câline les papilles de la gent provinciale.
Pour ces crus sirupeux, ces blancs aligotés,
Ce champagne jeunot qui racle nos gosiers.
Pour ce cent d'œufs cocotte à la crème de marron,
Ces poires en chemise, ce Saint-Jacques en chausson,
Cette sauce poutargue, ce soufflé aux courgettes
Ce filet de barbue médaillé d'amourettes.
Pour ces lottes braisées en civet de patelles,
Cette soupe de congre, ce flan de tagliatelles,
Cette selle d'agneau aux artichauts poivrade
Et cette queue de bœuf piquetée de muscade
Pour cette pauvre écuelle remplie chaque midi
De bisque, de gras-double, de moules, de salsifis,
Pour ce pain quotidien gainé de cellophane
Qui lève chaque jour : substantifique manne
Pour éponger ces sauces ourlées de basilic
Qui baignent les reliefs de purées synthétiques
Dont se délecteront le lévrier afghan,
Le teckel à poil dur ou bien le chat persan.
Pour ce presque foetus aux yeux exorbités
Dévoré par les mouches, qui essaie de téter
La baudruche fripée qui pendouille du boubou
Loqueteux, miséreux de sa mère à genoux.
Pour cette piéta noire taillée à coup de hache
Qui n’imagine pas les rondeurs de nos vaches,
La forme de nos brebis qui regorgent de lait
Et l’étal pléthorique de nos frères : les bouchers.
Pour tous les phacochères, les zébus et les gnous
Qui broutent en beuglant du sable et des cailloux.
Pour tous ces petits blacks chétifs et souffreteux,
Dont le ventre affamé est plus gros que les yeux . .
MERCI SEIGNEUR ! !
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