BREVES EN FOLIE : LE SEUL BLOG OU LE FOND PRIME SUR LA FORME

BREVES EN FOLIE : LE SEUL BLOG OU LE FOND PRIME SUR LA FORME

LA JAVANAISE (13)

  LA JAVANAISE 

  

 

 

 

 

 

Mlle CHENG est morte : elle s’est défenestrée.

De Java à Sarcelles en clandestinité :

Une vie de vingt ans. Je la connaissais bien :

C’est vrai, je vous le jure, j’ai beaucoup de chagrin

 

Ici les Boat-People naviguent à l’estime.

Pour une escale en ville, ils versent une dîme

A de faux mandarins qui vivent en duplex

Et font des Stock-Options sur le marché du sexe.

 

Pour un peu de tendresse dans la fumée d’opium

Je quittais quelquefois mon existence d’homme.

Pour la rejoindre aux rives des ruts balbutiants

Qui coulent en méandres dans mes rêves d’enfant.

 

J’échangeais quelques piastres contre un petit orgasme,

Un parcours de frissons, de caresses, de fantasmes.

Puis je prenais congé, regagnais mes pénates

Pour retrouver mes chiens, ma femme et mon mainate.

 

Jamais je n’oublierai son beau visage blême

De femme enfant fragile et nos plaisirs extrêmes.

Nous embarquions souvent pour des cités lacustres

Sur des sampans minables ou des jonques vétustes

 

Nous marchions enlacés sur des sentiers battus

Par les pluies de mousson : pitoyables fétus,

Ballottés, secoués, transis dans nos sarongs

Errant de case en case, frappant à tous les gongs.

 

Nous dormions, allongés dans ces frêles cahutes

Que la brume ceinture d’impalpables volutes.

Quand la nuit se complaît à chahuter le jour

Et patine la jungle d’une main de velours

 

Nous jouissions sans fin des cieux larmoyants,

Déchirés, tourmentés : Cumulus flamboyants

Déferlant en cohortes sur les champs de pavots 

Que le vent défoliait : gigantesque écheveau,

 

De corolles en folie dans le creux des ravines :

Et nous trouvions enfin sur ces terres sauvagines

Quelques arpents de rêve pour un petit bonheur

Fragile, vulnérable, bienfaisant, rédempteur.

 

Les coolies de Belleville sont au crématorium

Pas d’opiacées en fleurs mais quelques géraniums

Chinatown se tait et pleure la Javanaise

Une pluie de mousson noie le quatre vingt treize.

 



30/01/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 10 autres membres