BREVES EN FOLIE : LE SEUL BLOG OU LE FOND PRIME SUR LA FORME

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DOLEANCES ET RECRIMINATIONS (2)

LE SYNDROME DE L'URTICAIRE (2)


 

 

DOLEANCES ET RECRIMINATIONS

 

 

 

 

- 30 Octobre 1981 - 8 Heures 15.

 

Mademoiselle Lucienne PETIT-ORGASME possède un nez ridiculement petit, une petite bouche, de petits seins et un petit compte de chèques.

C’est son droit le plus absolu et ce serait somme toute purement anecdotique si elle n’avait contracté la désagréable manie de demander l’historique de ce compte de chèques à chacune de ses visites qui sont quasi quotidiennes.


 

Cet historique qu’on lui imprime par charité chrétienne, Henry a pu le constater à maintes reprises, doit posséder outre une longueur inhabituelle due à une ribambelle de petits chèques, des vertus euphorisantes ou quelque propriété aphrodisiaque cachée car elle s’en délecte et s’en repaît goulûment en gloussant pendant d’interminables instants. 

 

Elle effectue, stylo en main, un pointage systématique, minutieux et pointilleux qui a le don d’agacer fortement notre ami guichetier et les autres clients qui s’agglutinent, s’indignent et râlent. 

Elle additionne à haute voix, soustrait, rapproche, déduit, suppute, bougonne, extrapole, réfléchit longuement et réclame vertement car elle vient enfin de localiser une différence ! Une ERREUR plutôt ! Qu’elle impute à priori et arbitrairement à la banque. 

 - Y a encore une ERREUR !  dit-elle en martelant le guichet de son petit poing fermé puis elle renchérit en s’adressant à la cantonade :


- C’est toujours pareil !

- On ne reçoit jamais rien de chez vous ! Y me manque un relevé de compte et puis avec un relevé par mois, on risque pas d’y r’trouver quéque chose !

- J’vois ma cousine de ST CHAMOND (1) qu’elle est au Crédit (2) depuis vingt ans, elle a un r’levé chaque fois qu’elle tire !

 

(1) Banlieue de SAINT-ETIENNE et patrie d’Antoine PINAY(Célèbre Homme Politique Rentier de son état.

(2) Crédit Agricole.

 

(Reste cool Henry ! Visiblement, elle cherche l’affrontement et tu ne sortiras pas vivant d’un corps à corps dialectique.)

 

C’est pas pour dire, déclame-t-elle, avec des trémolos et des hoquets dans la voix, j’suis réglée le 28 ou le 29 et on est le 30, si ça continue comme ça j’lève tout !

-  Plus ça va, plus c’est pire !

 

(Henry est sur le point de craquer et de commettre un irréparable outrage verbal à l’encontre de Mme PETIT-ORGASME quand apparaît M. DUPANMOU.)

  

 

 

M. DUPANMOU, il faut le savoir, souffre d’impatience chronique comme d’autres souffrent du diabète, d’arthrose ou d'incontinence urinaire, il ne souffre pas cela va de soi, d’attendre patiemment comme tout un chacun, son tour d’être servi au guichet.


M. DUPANMOU n’a pas son pareil pour se glisser comme un reptile visqueux, dans une longue file de clients, brûlant la politesse à tout le monde au mépris de la plus élémentaire politesse.


M. DUPANMOU est d’une taille nettement inférieure à la moyenne. Apparemment, sa croissance a été stoppée brutalement pour des raisons physiologiques et génétiques mystérieuses qu’Henry ne connaîtra jamais mais qui l’intriguent quand même, si on compare sa taille à la hauteur du guichet,  il doit mesurer 1 mètre 50.


Il est né en 1910, en des temps lointains d’obscurantisme sexuel, victime comme beaucoup d’autres HOMO-SAPIENS de sa génération, de TABOUS, de PREJUGES et des OUKASES du VATICAN prônant la très sainte « retenue à la source », autrement dit le coït interrompu.

Il est vêtu d’un pardessus de mohair, incroyablement démodé, visiblement trop grand pour lui et coiffé d’un chapeau tyrolien moulé dans du feutre de mauvaise qualité. 

Dès qu’il ôte ce couvre-chef antédiluvien on s’aperçoit qu’il est aussi chevelu qu’un poulpe.

Deux choses frappent d’abord dans son visage ingrat, rougeaud et congestionné :

 - Un nez difforme, busqué, démesurément large, flanqué de deux énormes narines d’où émergent quelques touffes de poils roux, qu’on retrouve à l’identique, hirsutes et foisonnants au sortir des oreilles comme les ajoncs broussailleux d’un marigot.

- Deux petits yeux porcins pareils à deux agates transparentes injectées de sang. 

Ses bras sont démesurément longs, rapportés à sa taille de nabot.

Il a l’air d’un gibbon en rupture de cocotier.

Il psalmodie plus qu’il ne cause, sa voix monocorde est nasillarde, son haleine est fétide et distille des relents indéfinissables de picrate et d'acide gastrique.

Il effectue une remise de Chèque de 39 Francs 40 centimes pour laquelle il a confectionné le bordereau chez lui, à tête reposée dans la chaleur, la quiétude et la moiteur de son duplex cossu de la place DORIAN.

Il parcourt longuement le reçu qu’on lui restitue vérifie qu’il est dûment griffé, réclame le solde de son compte, en prend note puis libelle un chèque de deux cents francs à son ordre dont le graphisme primaire fait de pleins et de déliés arrache un sourire à Henry.

Il récupère son argent, plie soigneusement les deux billets en quatre, fait mine de s’éloigner puis se ravise.

 

- Les agendas ne sont pas encore arrivés ?

 

La question est tombée comme un couperet, abrupte, insidieuse et quelque part infiniment vicieuse. Henry la subodorait et sa réponse toute prête fuse :

- Et NON M’sieur DUPANMOU, toujours rien. En principe nous les recevrons à la mi-décembre. (1)

- On attendra ! Comme d’habitude ! Et vous m’en mettez un d’côté ! Pas comme l’année passée, que j’ai rien eu !

 - Pas de problème, vous pouvez compter sur moi . . .  Au revoir Monsieur DUPANMOU.

  

(1) Période cruciale dite des agendas et des calendriers : hantise de tous les exploitants (commerciaux) qui sont assaillis de tous côtés, harcelés, menacés de rupture et de divorce d’avec la banque, par des clients millionnaires en avoirs contrôlés, devenus subitement fous et enragés qui viennent mendier un calendrier de carton à trois sous ou un agenda à dix sous.

 

(A SUIVRE)

 



18/12/2011
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