BREVES EN FOLIE : LE SEUL BLOG OU LE FOND PRIME SUR LA FORME

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POUR SÛR C'ETAIT MIEUX AVANT (45)

 

LE SYNDROME DE L'URTICAIRE

(45)

 

 

 

DEHORS !

 

On veut bien que les clients retirent l’argent qu’ils ne possèdent pas mais à une seule condition, qu’ils le fassent dehors en plein vent ou sous la pluie, au distributeur de billets.

 

On ne veut plus de manipulation d’espèces ni de guichet-payeur... c’est CLAIR ! 

 

Et puis, mon bon Monsieur, c’est que tous ces PEGRELEUX qui font la queue pour retirer quelques sous polluent (1) le guichet et monopolisent des forces vives qu'on pourrait affecter prioritairement  à de plus nobles tâches ! (2)

 

 

 

 

(1)  Expression très CLASSIEUSE et très en VOGUE employée par un responsable très gradé et très imbu de sa personne.

(2)  Que nous vous laissons le soin d'imaginer.

 

  

Pour contenir et traiter comme il se doit ces hordes barbares, incultes et iconoclastes qu’on attirait encore il n’y a pas si longtemps encore à grand renfort de slogans provocateurs tels que « VOTRE ARGENT M'INTERESSE », des femmes et des hommes de main froids et calculateurs étaient disposés dans des box vitrés relativement exigus où ils recevaient en FANFARE et sans égards  le débiteur chronique qui était copieusement sermonné, délesté de frais substantiels et débarrassé des dernières illusions qu'il pouvait encore nourrir quant à l'humanité de la banque.

 

Il arrive qu’on retrouve encore dans ces confessionnaux de verre, plus en STAND BY qu’en activité, quelques vétérans formés à l'ancienne, ces dinosaures de l'exploitation ont le cheveu clairsemé, le teint rougeaud.


A défaut de la placer, ils « portent sur le front une mâle assurance », ils ont tout  vu, tout vécu, tout connu depuis 30 ans qu'ils écument la succursale, les sièges et les bureaux de quartier, passant de l'un à l'autre au gré de la loterie d’un TURN-OVER érigé en institution.


Ils ont vendu à la criée tous les PRODUITS et les SALADES de la MAISON MERE : du défunt CREDIT EXPRESS à la Carte ELECTRON en passant par le fameux LIVRET VERT : fleuron emblématique d’une épargne pour BABA COOLS.

Ils ont vu plus de compte débiteurs que Benoit 16 ne pourrait en bénir ou en renflouer.


S'ils n'ont pas connu l'Emprunt russe, ils ont ouvert plus de comptes, placé plus d'obligations en tous genres, d'emprunts d'état, de bons anonymes que tous les CPA, CAP, CGP, CPF, CDP, CP et autres nouveaux camelots (1)  du groupe réunis. Ils ont traîné dans leur VOLSTOP plus de capitaux que la maffia albanaise ne  pourrait en blanchir

Ils ont fait du porte à porte comme de vulgaires marchands de tapis, sapés comme des ordonnateurs des pompes funèbres, animés par une motivation toute relative et toujours disponibles pour une bonne bringue.

 

On les appelait respectueusement DEMARCHEURS.

 

Comme les oiseaux sont naturellement adaptés au vol et les reptiles à la reptation, les démarcheurs de la BNP étaient naturellement de constitution robuste, L'élasticité de leurs jarrets et une motricité des membres inférieurs exceptionnelle les rendaient particulièrement adaptés à la marche et par contrecoup à la démarche.

 

Il existait à l’époque, deux grandes catégories de démarcheurs : le démarcheur urbain spécialement entraîné pour la marche forcée sur macadam par opposition au démarcheur rural prospecteur de campagne doté le plus souvent d’une 2 CV antédiluvienne, d’une carte d’état-major et d’un foie (gras) particulièrement spongieux.

 

On peut révéler aujourd'hui sans crainte d’être poursuivi pour diffamation qu’un grand nombre de démarches assurées du matin se métamorphosaient souvent, sans qu’on sache trop pourquoi,  en démarches chaloupées après quelques heures de tournées de ramassage "ABRACADANTESQUES" dont nous vous laissons imaginer le scénario.

 

C’est à l’issue d’une équipée sauvage de grande envergure comme on n'en fait plus, qu’on retrouva un démarcheur aviné, profondément endormi au volant de sa voiture dans un chemin creux de la COTE ROANNAISE, la célèbre VOLSTOP pleine à ras bord, négligemment posée sur la banquette arrière. (absolument authentique).

 

D’autres démarcheurs plus libidineux qui fréquentaient assidûment la gent féminine disparaissaient régulièrement plusieurs jours d’affilée, sans que personne ne s’inquiète de leur sort, pour des missions sur le terrain que la pudeur et la décence nous interdisent de révéler.

Les anecdotes croustillantes relatives à cette démarche que nous pourrions qualifier d’incertaine se comptent par dizaines.

 

Lorsque ces quelques vieux de la vieille se rencontrent à l'occasion de réunions ou de séminaires auxquels on les convie encore par charité chrétienne, ils en ont toujours une inédite sous le coude et se montrent intarissables sur leur passé décomposé émaillé de gags et de péripéties burlesques.

 

(1) Petits marchands d’objets de peu de valeur (Larousse)

 

 

On a raconté à Henry sous le sceau de l’authenticité qu’un démarcheur des plus cotés remplissait à posteriori, sa feuille d’activité, rubrique prospection en recopiant tout simplement au gré de ses pérégrinations, les noms relevés sur les monuments aux morts des divers villages de son secteur d’exploitation.

 

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’à la « démarche » comme on appelait respectueusement dans les années 80 ce secteur d’activité de la banque, on ne connaissait pas plus le stakhanovisme que le surmenage intellectuel : CARPE DIEM et BASTA !

 

Il fallait bien occuper tout ce temps libre généré par une inactivité débordante érigée en institution.

 

C’est ainsi qu’un nombre considérable d’heures furent consacrées bien avant l’avènement du temps partiel, des 35 heures et de la RTT, à de mémorables parties de boules lyonnaises auxquelles participèrent un certain nombre de démarcheurs qui abandonnaient et désertaient lâchement pour l'occasion le secteur qu'ils étaient sensés prospecter au nom de leurs agences nourricières.

 

Ces rencontres informelles se déroulaient bien évidemment à huis-clos, l’après-midi, dans les arrière-cours de quelques troquets de banlieue sélectionnés pour leurs caves particulièrement bien achalandées.

Toute concentration suspecte de "Deudeuche" beige en un lieu donné signifiait pour les initiés qu'une compétition de boules inter-agences BNP se déroulait dans les environs, à l'abri des regards indiscrets.

 

Dynamisés par un souci permanent de convivialité tout à fait louable, nos amis organisaient également à intervalles très réguliers, des journées que nous qualifierons pudiquement de culinaires.

Elles commençaient en général par un copieux casse-croûte campagnard servi sur le coup des 10 heures dans quelque gargote nichée le plus souvent dans la verdure et se poursuivaient par un hommage appuyé au défunt Paul Ricard qui est comme chacun sait le saint Patron des joueurs de boules.

 

Incapables qu’ils étaient de planifier quoique ce soit, ils fournissaient bon gré mal gré, à leur hiérarchie et au défunt secrétariat d’exploitation un plan d’activité qu’ils établissaient à posteriori avec quelques noms de clients glanés ici ou là dans leur bac à SE 735 et les noms de quelques prospects relevés dans le Who's Who des PME du département.

 

Puisqu’il y a prescription, nous pourrions citer les noms de ces honorables employés de banque adeptes du NIRVANA et du KAMA SUTRA, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître mais laissons les jouir d’une retraite bien méritée ou de l'anonymat dans lequel ils se complaisent pour quelques mois encore .

 

Les jours ont passé les uns après les autres inexorablement et tous ces valeureux exploitants ont dit adieu, progressivement, la mort dans l’âme à cette banque délicieusement kitsch où l’on mélangeait allègrement l’œnologie, la pétanque, la rente PINAY, la gastronomie, le 4% 1973,  les bons d'épargne, les bons gueuletons et les partouzes.

 

 

Ce romantisme échevelé qui animait ces forains itinérants a aujourd'hui complètement disparu au profit d’une rigueur drastique, on vend désormais la marchandise au comptoir et en magasin, plus question de voir les commerciaux arpenter les trottoirs et battre la campagne, ils sont rivés à leur fauteuil comme des bigorneaux à un rocher, le client est convoqué soit par courrier, soit par téléphone soit par E-Mail pour les plus branchés d’entre eux.

Désormais on reçoit sur rendez-vous comme chez le docteur et c'est drôlement triste.

 

Contrairement à ces glorieux fossiles de l’exploitation "vagabonde" qui connaissaient à fond (il faut leur rendre cette justice) toutes les arcanes de la finance et toutes les ficelles qui permettent de truander le fisc et de placer son argent sans trop y perdre, la nouvelle recrue reçoit de nos jours, une formation qu’on qualifiera pudiquement d'ULTRA-LIGHT.

 

On lui fait d'abord comprendre que le but du jeu n’est pas comme elle pourrait le penser naïvement de veiller à la satisfaction du client mais de lui remplir à ras bord son caddie d’une multitude de produits exotiques dont il n’a que faire.

 

Comme on vend ailleurs de l’électroménager, des cuisines incorporées ou des téléphones portables, on va lui demander de vendre sans trop approfondir le pourquoi du comment, le plus grand nombre de  ces produits miracle qui garnissent en abondance les présentoirs de la BNPPARIBAS.

 

A peine débarqué de son IUP, de son IUT ou d'une quelconque université, le petit génie que toute la BNPPARIBAS attendait est pris en main par un commercial « aguerri » qui lui distille vite fait bien fait, les deux ou trois notions reçues quelques mois auparavant en héritage, d’un collègue parti en préretraite qui tenait lui- même ses connaissances homéopathiques d’un Conseiller Clientèle intérimaire muté au pied levé à la suite de la démission impromptue d’un Guichetier en CDD qui remplaçait provisoirement une Chargée de Service Clientèle en congé maternité ! !


De fil en aiguille, on perpétue, à l’africaine, dans l’allégresse et l’inconscience collective, une tradition orale de transmission du savoir qui fait que les connaissances des uns et des autres se diluent et s’effilochent avec le temps.

Ultime cerise confite  sur ce savarin, le nouvel embauché se voit délivrer un sauf-conduit pour LOUVECIENNES où il rencontre en grande pompe, le gratin de la formation accélérée qui apporte la touche finale à son bagage, lui fait croire que la Banque l’attendait comme le MESSIE et lui taille un costume croisé de jeune cadre dynamique.

 

Mais après tout , pourquoi se formaliser devant tant de légèreté, d’inconsistance et de folklore ? vous savez tous qu’il n’est absolument pas utile de connaître les multiples rouages de l’économie et les principes qui régissent les marchés financiers pour vendre des PROVISIO (1) générateurs de P.N.B à de futurs clients de Mme NEIERTZ ou pour fourguer des produits d’épargne inadaptés à des épargnants naïfs et crédules. (Revue Capital de mai 2001).

 

(1) Stock-Options des pauvres.

  

Pour sûr, c’était mieux ... avant !

 

Tous ceux qui débutèrent jadis dans la profession et qui sont aujourd’hui au crépuscule de leur carrière reçurent, ils pourront en témoigner et le certifier, une vraie formation universelle, encyclopédique et apostolique.

 

A peine embauchés, ils étaient pris en main par le parrain d'affaires qu’on leur affectait et commençaient par répertorier méthodiquement avec lui pour les tester soigneusement, tous les troquets de la circonscription qui constitueraient autant de refuges sûrs et conviviaux avec gîte et couvert, au cas où .... puis ils se retrouvaient, cette tournée de repérage effectuée, adoubés et portés sur les fonts baptismaux du bistrot mitoyen de l'agence qui servait de base arrière.


C’est un secret de polichinelle, nous ne trahirons personne en révélant ce lieu commun : le démarcheur des années 80 n’était pas de bois, c’est d’ailleurs pour cette raison physiologique que son parrain lui refilait en douce (autre rituel immuable), une liste alphabétique des clientes les moins farouches du secteur d’exploitation, clientes qu’il serait forcément amené à visiter en profondeur un jour ou l’autre, sachant qu’une pulsion libidineuse est par nature imprévisible.

 

AUTRES TEMPS, AUTRES MOEURS : En ce temps là, quand un démarcheur saluait de bon matin son supérieur hiérarchique, celui-ci lui répondait tout de GO : BONJOUR ou  SALUT ! Sur un ton enjoué et ils s’en allaient bras dessus, bras dessous boire un café à l’annexe (2) tandis qu’au jour d’aujourd’hui, quand un Commercial salue le matin au garde à vous son Mentor guindé engoncé dans son costume trois pièces, celui-ci lui l'apostrophe en le toisant et en grommelant : COMBIEN ? (3)

 

Comme disait l’autre : la nostalgie n’est plus ce qu’elle était et rien ne sert de regretter le passé et de  le ressasser.

Il n’en demeure pas moins que pour Henry Plotter et tous ses collègues ce fut une époque fabuleuse sur tous les plans, on ne se prenait pas la tête, on déconnait à plein tubes et ça roulait quand même.

 

Pour vous faire toucher du doigt l’aspect complètement déjanté de cette époque, je ne voudrais pas terminer ce chapitre Démarche incertaine sans vous conter une anecdote absolument authentique qui m’avait complètement échappé.

 

Elle met en cause le démarcheur d’une agence du Groupe située dans la plaine, on peut dire son nom, il y a prescription, il s’agit de l’agence de Montbrison, le démarcheur en question se prénommait Antoine, il se peut que quelques vieux de la vieille se souviennent de lui et le reconnaissent.

Garçon remarquablement intelligent mais bringueur patenté particulièrement exalté, on lui avait affecté une tournée clientèle dans les Monts du Forez où il visitait chaque semaine le gratin de la paysannerie locale et de la filière bois du côté de Saint Anthème.

Inutile de vous dire que l’alcool coulait à flots, quand le banquier passait, c’était la coutume : on l’arrosait copieusement.

Ce jour là notre Antoine complètement défoncé ne trouva rien de mieux à faire sur le coup des vingt trois heures que d’appeler le patron de l’agence en personne à son domicile,  le pauvre était déjà couché et notre Antoine de lui annoncer le plus sérieusement du monde :

 

Ce dialogue authentique rapporté par le patron lui-même le lendemain est demeuré gravé dans toutes les mémoires, il fait partie des grands classiques.

 

"Bonsoir Monsieur D. ici Antoine S., vous n’allez pas me croire mais je suis actuellement au casino de Montrond et je voudrais votre avis éclairé :

Sur quel numéro dois-je jouer le contenu de ma Volstop, le 5 ou le 8 ? " Et il avait raccroché.

 

Inutile de vous dire que le lendemain, un membre de l’état-major fut dépêché à l’agence de Montbrison en urgence humanitaire, notre Antoine tout penaud et marri fut convoqué et copieusement sermonné.

Pas tout à fait remis de sa cuite de la veille  il se mit subitement à genoux devant celui qui l’admonestait vertement et lui demanda pardon en pleurant, allant même jusqu’à lui baiser les chaussures, évidemment les témoins présents qui ont raconté la scène avaient toutes les peines du monde à conserver leur sérieux.

Comme malgré tout c’était un très bon élément apprécié de la clientèle, on lui pardonna cette incartade qu’on a du mal à imaginer se reproduisant aujourd’hui, l’affaire en resta là.

 

 

(1) Entrer en Démarche ou en Exploitation c’était acquérir son bâton de Maréchal.


(2) Bistrot mitoyen de la banque, à l’époque les distributeurs de boissons n’étaient pas encore en service


(3)  Votre Compte rendu d'activité pour la journée d'hier ?           

 

(4) Langage très peu diplomatique qui signifie si on développe la pensée du Manager d’opérette :

 

(5) "Très cher Ami, pouvez vous me dire où vous en êtes de vos objectifs ?

 Nous vous rappelons une dernière fois qu’ils doivent être impérativement atteints avant la fin du mois, nous nous sommes montrés très patients jusqu’à présent et vous avons signalé à plusieurs reprises que si vos résultats notoirement insuffisants ne s’amélioraient pas d’une façon significative, nous serions amenés à prendre des mesures coercitives à votre encontre."

 

 


(A SUIVRE)

 

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19/03/2012
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