BREVES EN FOLIE : LE SEUL BLOG OU LE FOND PRIME SUR LA FORME

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IL EST 10 HEURES (22)

 

LE SYNDROME DE L'URTICAIRE

(22)

 

IL EST 10 HEURES

 

LA BNP S'EVEILLE !

  

Ca y est, il est dix heures, grommelle Henry, sans même consulter sa montre.

Le hall qui était quasiment désert à 9 heures 55 est maintenant noir de monde. La vague déferlante de 10 heures vient de s’abattre en rugissant et en beuglant comme un tsunami sur les guichets.

 

Ils sont venus, ils sont tous là, mus par on ne sait quelle pulsion d’instinct grégaire :

 

Mlle PETITORGASME hors d’haleine, endimanchée et décorée comme un sapin de noël,  brandit frénétiquement le relevé de compte qu'elle vient de recevoir, elle prend un fondé de pouvoir à témoin : Y A ENCORE UNE ERREUR !

Mlle LEDEUX agite un chèque par dessus sa petite tête d’oiseau de proie.

M. DUPANMOU s’impatiente et piaffe, les naseaux écumants.

Youssef BENIOUIOUI baille aux corneilles à s’en décrocher la mâchoire, Il ouvre une si grande bouche (édentée) qu’Ernest peut apercevoir au fond de son gosier ses amygdales congestionnées qui tressautent .

C’est le RAMADAN et il est venu pour toucher SA SEDDIQUE (1) au cas où que ça serait là !

 

Mouloud KILOUCHE et son épouse Fatima sont accourus des quartiers « sensibles » pour les LACATIONS (2) mais la nouvelle selon laquelle elles n’auraient pas encore été créditées s’est répandue comme une traînée de poudre et les mines se renfrognent !

- Y en a pas les lacations, m’siou ? et l’après-midi, y en a pas ? Parce que moi y en a vu la camionnette qui amène les sous (3)

 

- Dites donc ! Je n’ai pas eu l’avisement de mon virement ! Pouvez pas m’dire si c’est arrivé et r’garder si mon trou est comblé !

 

- Z’on pas mé envoyé lé massin des Allocs, donné mé alors 500 ! Et pis non avé lé mazou, donné mé 800, mais pas reçou rien (silence) ....Encore ! (4)

 

(1) ASSEDIC - LA SEDIQUE - MA SEDIQUE - SA SEDIQUE.

(2) LES LACATIONS - Allocations familiales en Grande Kabylie.

(3) Camion de la société de Transports de fonds.

(4) Tirade en dialecte Franco-Italien reproduite fidèlement et traduite approximativement :

"Je n’ai pas reçu l’avis de crédit des allocations familiales, donnez moi donc 500 Francs et puis non ! avec le Mazout, je vais plutôt tirer 800 Francs ! Bref je n’ai encore rien reçu". 

 

 

- Jeune homme, si ça vous dérange pas trop, donnez moi l’état de ma situation et dites moi donc si ce chèque est au compte parc’que j’lai mis à l’endos, jeudi dernier ! Tant que vous y êtes, faites moi donc un chèque volage (1) de 500 Francs !

 

Même le guichet du change habituellement calme en cette période hivernale, est pris d’assaut par une foule hétéroclite :

- Je viens parce que je pars ! je voudrais pour 1000 francs de chèques travelling (2) et 500 francs en pesetos !

 

- YPEUPEU Lépadoué, l’Africain et LI PIN Swang le Thaïlandais voudraient bien savoir quant à eux,  si leurs bourses d’études du C.I.E.S (3) sont arrivées, ils échangent en attendant quelques impressions dans un Anglais mâtiné de Français.

 

Tout ce petit monde s’interpelle, s’agite, s’impatiente, renâcle, renifle et se mouche.

M. DUPANMOU prenant à témoin Mlle PETITORGASME, tout en montrant du doigt le sieur YPEUPEU se livre à une violente diatribe à connotation raciale :

 

(1) Chèque de guichet ou chèque volant utilisé pour les clients qui n'avaient pas de chéquier.

(2) Traveller chèques (chèques de voyage).

(3) Centre International d’Etudes Supérieures.


 

 

 

- C’est pas croyable ça ! ça fait dix minutes qu’y bloque le guichet c’te pingouin ! En plus y comprend rien ! Y peut pas parler Français, comme tout le monde ! C’est impensable, Y a que dans cette banque qu’on voit ça !

 

YPEUPEU Lépadoué, impassible, qui n’a pas compris et pour cause que toutes ces amabilités lui étaient destinées, contemple et toise du haut de son mètre quatre vingt quinze, tous ces petits blancs chétifs et souffreteux qui l’entourent.

Son regard vaguement concupiscent se pose un instant sur la poitrine de l’hôtesse qui fait des ronds de jambe à quelques encablures.

 

Mlle LEDEUX, de dépit et de rage, s’est effondrée dans un fauteuil et soliloque, avachie, abattue, au bord de la crise de nerfs.

Ce hall de banque évoque à la fois, la cour des miracles, un meeting politique de Lutte Ouvrière et une foire d'empoigne colorée, c’est la banque en folie selon Buster KEATON.

Cette foule hétérogène et cosmopolite qui grossit au fil des minutes se scinde en queues mouvantes qui serpentent, s’attirent, s’interpellent, s’invectivent et se repoussent.

 

A cette époque, il y avait une telle affluence au guichet  qu'on confectionna à la hâte un grand tableau qui reprenait sous forme de graphique les tranches horaires de la journée les plus calmes coloriées en vert et les plus chargées coloriées en orange ou en rouge.

La situation s'était tellement dégradée qu'on envisagea même de consulter Bison Fûté . . .

 

 

 

 


(A SUIVRE) 

 



13/01/2012
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