BREVES EN FOLIE : LE SEUL BLOG OU LE FOND PRIME SUR LA FORME

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PORTRAITS CROISES (6)

 

 

 

LE SYNDROME DE L'URTICAIRE (6)

 

 

 

 

 

 

JUANITO EPERICOLOSO est né d’un père Portugais et d’une mère Ougandaise, il fait partie intégrante du quart monde dont il ne sort que deux fois par mois pour franchir les portes vitrées de l’agence car c’est jour de paye.

 

 

 

 

 

Il est âgé d’une trentaine d’années et s’exprime dans un français approximatif.

Comme d’habitude, il pousse le mauvais battant, celui qui est fixe.

Comme d’habitude, il s’avance en hésitant, son chèque dans la main droite, comme un vade-mecum qu’il brandit timidement.

Il porte en bandoulière un sac tyrolien rafistolé.

 

Il semble sorti tout droit d’un film de BUNUEL ou de FELLINI, c’est le grand ZAMPANO de la STRADA revu et corrigé par WOODY ALLEN.

Il a revêtu une vieille capote militaire kaki, trop longue, récupérée vraisemblablement sur le chantier où il est employé par la multinationale qui coule du béton ici et là.

 

Son visage hâve, ravagé par une barbe de quatre ou cinq jours, trahit les stigmates de la malnutrition, de la fatigue et du désespoir.

Il y a dans son regard, une tristesse infinie et comme une immense nostalgie des terres de fados.

Il se dirige vers le guichet, en hésitant, comme s’il avait peur de déranger et sa main tremble un peu quand il tend son chèque à Henry qui lui réclame une pièce d’identité.

Il s’exécute avec empressement : les tracasseries et les formalités administratives, il connaît, c’est un sport qu’il pratique ! Dans un grand élan spontané, il étale pêle-mêle, certificat de travail, carte de séjour et passeport.

 

Par gestes, Henry l’incite à signer son chèque : docile, il saisit le stylo qu’il lui tend, le tourne et le retourne entre ses doigts gourds comme s’il cherchait la bille, interroge Henry du regard jusqu’à ce qu’il lui montre l’endroit où il doit signer, il sollicite un dernier encouragement et trace une croix.

Il hausse les épaules comme pour s’excuser puis écoute avec une attention touchante Henry qui égrène sa litanie : huit fois cent, une fois cinquante, deux fois dix, une fois cinq et cinquante six centimes : 875 francs 56 centimes !

 

 

 

 

 

Henry lui fait signe que c’est terminé en ce qui concerne la " procédure" et les formalités. Juanito EPERICOLOSO plie soigneusement ses neuf billets, rassemble la monnaie dans le creux de sa main calleuse, la soupèse en hochant la tête, tend son autre main à Henry, il semble surpris qu’il la lui serre, remonte son col, remercie et s’en retourne sur sa planète Mars tandis qu’Henry qui le regarde s’éloigner ne peut s’empêcher d’éprouver un pincement au cœur. (1)

 

 

(1) T’es pas là pour t’apitoyer Henry mais pour faire des affaires (Business in English) !

 

 

 

En une espèce de ralenti cinématographique impressionnant à la fois cauchemardesque et burlesque, Lucienne DE FACTUM et Clotilde FALBALA sa gouvernante apparaissent.

Bras dessus, bras dessous, claudiquant, se déhanchant, soufflant, renâclant comme deux carnes, se remorquant mutuellement, elles ont entrepris la traversée du hall et tentent de rallier sans escale, la salle des coffres.

 

Elles sont vêtues de noir, de la tête aux pieds.

Mme Lucienne DE FACTUM est une nonagénaire bouffie d’un mètre trente cinq.

Elle est affligée d’une énorme tête de bouledogue et ceint son cou goitreux, d’un renard argenté du CAUCASE bouffé par les mites.

Son menton en galoche est hérissé d’une touffe de poils jaunâtres, deux bajoues flasques et adipeuses pendent lamentablement de part et d’autre de son nez camus qui ressemble à un groin.

 

Veuve depuis 1915 d’un poilu tué au Chemin des Dames d'une balle dans la tête, elle vit en une espèce de concubinage glauque et contre nature avec Clotilde FALBALA qui lui sert en  quelque sorte de dame de compagnie, de maîtresse et de béquille.

 

S’il fallait la définir succinctement, on pourrait dire qu’elle est le produit du croisement surréaliste et psychédélique entre un marabout hydrocéphale et un balai OCEDAR avec ses cheveux gris, gras et filandreux.

Elles possèdent à elles deux, une bonne pincée de valeurs mobilières en tous genres et représentent à ce titre, la France économe, patriote, frileuse, ultra-conservatrice, catholique intégriste et apostolique d’avant-hier.

 

Elles pèsent grosso modo, quelques centaines de millions de francs (anciens).

Elles sont sorties pratiquement indemnes de toutes les épidémies de grippe, de toutes les tempêtes monétaires, de tous les krachs boursiers, de toutes les guerres et attendent l’arme au pied et le chapelet à la main, le remboursement de l’emprunt russe.

Elles ont une foi inébranlable en deux revues : le PELERIN et la TRIBUNE, elles pratiquent ardemment l’œcuménisme et la bourse avec un égal acharnement.

 

 

Elles sont naturellement au courant, les premières, avant Henry (ce qui n’a rien de bien étonnant eu égard à son désintérêt pour la chose financière) de tout ce qui se trame et se mijote de FRANCFORT à WALL-STREET et de ZURICH à TOKYO.

Elles découpent précautionneusement en grimaçant et en tirant leurs vieilles langues couvertes d'aphtes, des heures durant, dans la salle des coffres, leurs petits coupons, les comptent, les recomptent, font de petits tas égaux qu’elles ceignent d’élastiques de couleur pour les présenter au paiement.

Elles boursicotent, font du terme, du comptant, de la prime, des reports, du stellage et de la cystite !

 

 

 

(A SUIVRE) 



20/12/2011
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